Avis CNGE supplémentation vitamine D chez les enfants

02 avril 2024





AVIS DU CONSEIL SCIENTIFIQUE DU COLLEGE NATIONAL DES GENERALISTES ENSEIGNANTS

A Paris, le 29/03/24   

Faut-il continuer à supplémenter en Vit D les enfants en bonne santé ?

La question de la supplémentation en vitamine D en population générale a fait l’objet de multiples recommandations et avis d’experts, s’accordant sur la nécessité d’une supplémentation chez le très jeune enfant. Cependant, ils préconisaient des posologies et indications différentes en termes d’âges ou de facteurs de risque. De ce fait, le Conseil scientifique du CNGE a examiné les données de la littérature les plus solides chez les enfants. Bien que la prévalence d’un taux en vitamine D en dessous de 30 nmol/L (soit 12 ng/mL) dépasse 10% en Europe(1), l’incidence du rachitisme est d’environ 3 pour 100 000 enfants/an tous âges confondus(2). En France, l’instauration de la supplémentation en vitamine D dans les années 60 et la commercialisation de laits artificiels enrichis en vitamine D depuis 1992 ont été suivis d’une réduction drastique de l’incidence du rachitisme carentiel. Désormais, cette maladie, quasi exceptionnelle, affecte les enfants allaités qui n’ont pas reçu de supplémentation vitaminique avant l’âge de 5 ans et dans une moindre mesure ceux ayant des facteurs de risque de carence (obésité, peau noire, absence d’exposition au soleil, diminution de l’apport)(3). Chez les nourrissons, la majorité des essais randomisés avaient pour critère de jugement principal les taux sériques de vitamine D. Ils ont observé qu’une supplémentation de 400 UI/j était suffisante pour atteindre des concentrations de vitamine D sérique considérées comme « normales ». Des posologies supérieures n’ont pas amélioré la densité osseuse, mais une augmentation du risque d’hypercalcémie a pu être observée. En l’absence de facteurs de risque de rachitisme, le niveau de preuve était insuffisant pour conclure à une efficacité clinique(4). Plusieurs situations d’erreurs à l’origine de surdosages avec des conséquences cliniques parfois graves (liées à l’hypercalcémie ou l’hyperphosphatémie) ont été décrites, notamment en cas d’accès sans ordonnance à des solutions avec une concentration élevée de vitamine D(5). Chez les enfants âgés de 1 à 5 ans, aucun essai comparatif randomisé (ECR) de qualité méthodologique suffisante évaluant le risque de rachitisme ou la fragilité osseuse n’a été identifié(6,7). Chez ceux âgés de 5 à 13 ans, les essais n’ont pas montré de résultats probants sur la réduction du risque de rachitisme. Un ECR en double insu mené chez 8 851 enfants âgés de 6 à 13 ans, n’a pas montré de différence entre le groupe supplémenté en vitamine D pendant 3 ans et le groupe témoin, ni sur le risque fracturaire, ni sur les effets indésirables(8-11). Chez les adolescents entre la puberté et jusqu’à l’âge de 18 ans, la supplémentation augmentait les taux sériques de vitamine D, avec des résultats discordants sur les bénéfices en termes de densité osseuse(12,13). En termes d’efficacité extra-osseuse, la supplémentation en vitamine D n’a pas d’influence sur la croissance, la composition corporelle ou le développement pubertaire(14). Pour les pathologies atopiques et l’asthme, les données suggèrent une légère réduction de la sévérité de la dermatite atopique et de la rhinite allergique sans influence sur le contrôle ou la sévérité de l’asthme dans l’enfance, en cas de taux sérique de vitamine D initial < 10 ng/L et avec un faible niveau de preuve(15,16). En matière de réduction de l’incidence des infections des voies aériennes supérieures, les preuves cliniques sont insuffisantes pour conclure à une efficacité : les rares essais positifs n’ont pas montré de différence significative sur la sévérité des infections. Par ailleurs, ils étaient de faible niveau de preuve et non transposables à la situation épidémiologique en France(17,18).   


En conclusion, l’indication de supplémentation en vitamine D s’est construite sur une observation épidémiologique historique de la réduction de l’incidence du rachitisme. Malgré la rareté des ECR de bonne qualité méthodologique évaluant des critères cliniquement pertinents, il est raisonnable de maintenir une supplémentation systématique de 400 à 800 UI/jour chez les nourrissons en particulier avant l’âge de 1 an, en cas d’allaitement maternel, ou en présence de facteurs de risque de carence, même si le bénéfice clinique individuel est actuellement impossible à démontrer tant l’incidence du rachitisme est faible. Pour les autres situations cliniques, les données actuelles ne permettent pas de conclure à une balance bénéfice/risque favorable de la supplémentation en vitamine D.


Références 1. Cashman KD, Dowling KG, Škrabáková Z, et al. Vitamin D deficiency in Europe: pandemic? Am J Clin Nutr 2016;103:1033 ‑ 44. 2. Goldacre M, Hall N, Yeates DGR. Hospitalisation for children with rickets in England: a historical perspective. Lancet 2014;383:597‑8. 3. Mallet E. Épidémiologie du rachitisme carentiel. EMC Endocrinol 2004;1:163‑9. 4. Tan ML, Abrams SA, Osborn DA. Vitamin D supplementation for term breastfed infants to prevent vitamin D deficiency and improve bone health. Cochrane Database Syst Rev 2020;12:CD013046. 5. Rédaction Prescrire. Supplémentation orale en vitamine D : des erreurs à l’origine de surdoses dangereuses. Rev Prescr 2022;42:907‑9. 6. Karimian P, Ebrahimi HK, Jafarnejad S, Delavar MA. Effects of vitamin D on bone density in healthy children: A systematic review. J Fam Med Prim Care 2022;11:870‑8. 7. Jouault C, Laforest F, Sevin C, Boussageon R. Efficacité de la vitamine D chez l’enfant de 0 à 5 ans dans la prévention du rachitisme : revue systématique des essais contrôlés et randomisés. Médecine 2023;19:278 ‑ 85. 8. Ganmaa D, Khudyakov P, Buyanjargal U, et al. Vitamin D supplements for fracture prevention in schoolchildren in Mongolia: analysis of secondary outcomes from a multicentre, double blind, randomised, placebo controlled trial. Lancet Diab Endocrinol 2024;12:29 ‑ 38. 9. Mortensen C, Damsgaard CT, Hauger H, et al. Estimation of the dietary requirement for vitamin D in white children aged 4 8 y: a randomized, controlled, dose response trial. Am J Clin Nutr 2016;104:1310 ‑ 7. 10. Öhlund I, Lind T, Hernell O, Silfverdal S A, Karlsland Åkeson P. Increased vitamin D intake differentiated according to skin color is needed to meet requirements in young Swedish children during winter: a double blind randomized clinical trial. Am J Cli n Nutr 2017;106:105 ‑ 12. 11.Marwaha RK, Mithal A, Bhari N, et al. 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