Avant-propos
Afin de répondre aux nombreuses questions des différents praticiens concernant les diagnostics biologiques, particulièrement dans le contexte de levée prochaine du confinement associée à une généralisation des tests, le département de médecine générale de l'université de Rouen propose quelques éléments de réponses.
Il est important de noter que le COVID-19 étant une maladie récente, il n'existe pas de gold-standard pouvant permettre l'évaluation correcte d'un test. De plus, dans l'état actuel des connaissances, il n'y a pas de données de vie réelle sur les examens biologiques du COVID-19. Les études utilisées ici sont des études de laboratoire ou sur des populations relevant principalement de l'hospitalisation.
Il existe différents tests biologiques. Le plus utilisé actuellement est la PCR (ou RT-PCR) pour Polymerase Chain Reaction qui permet de rechercher l'ARN du virus, durant l'infection. Le second test permet une détection indirecte par recherche dans le sérum d'anticorps spécifiques dirigés contre le virus, la sérologie. Elle permet de vérifier l'immunité du patient, au décours de l'infection.
Polymerase Chain Reaction (PCR)
La PCR est actuellement considérée comme le gold-standard du diagnostic pour le COVID-19 en phase aigüe. C'est sur elle que repose la définition d'un cas confirmé (1). Mais cela découle du fait qu'il n'existe pas d'autre technique plus fiable à l'heure actuelle.
Théoriquement, elle a une sensibilité (Se, probabilité d'un test positif si le patient est malade) et une spécificité (Sp, probabilité d'un test négatif si le patient est sain) de 95 à 100 % (dépendant de la technique utilisée) (2–4). De plus, la stabilité génétique du COVID-19 permet de maintenir la qualité des PCR dans le temps (5). Cependant, dans les cohortes de patients, les résultats montrent une moindre qualité.
En effet, la Se est fortement impactée par la qualité du prélèvement. D'abord, la localisation du prélèvement fait varier la Se. Les prélèvements nasopharyngés (NP), les plus fréquemment réalisés, ont une Se allant 38,3 % à 63 % (6,7). A l'opposé, les lavages broncho-alvéolaires ont une Se de 80 % à 93 % (6,7). Ils sont cependant réalisés chez des patients plus graves qui semblent aussi plus sécrétants en virus (6). La PCR sur crachat montre des résultats intermédiaires avec une Se de 49,1 % à 78,6 % (6,7).
De plus, le moment de réalisation du prélèvement est important. Sur les prélèvements NP, la Se est maximale (> 75 %) entre J5 et J11, après le début des symptômes. La durée moyenne de positivité est de 12 jours (8). La variabilité de positivité (définie comme au moins 1 prélèvement positif et 1 négatif sur 5,6 prélèvements par patient en moyenne) est forte : elle concerne 40,3 % des patients (8). Ce qui signifie que 40,3 % des patients ont eu au moins 1 PCR positive et 1 négative. Dans les crachats, la Se est maximale entre J5 et J17 ; la durée moyenne de positivité est de 19 jours et la variabilité de 9,8 % (sur 3,6 prélèvements par patient en moyenne) (8).
Enfin, le manque de qualité de la technique de prélèvement est aussi un facteur limitant avec une insuffisance de matière cellulaire ou un défaut d'extraction de l'ARN virale lors de la préparation (9).
La Sp n'est probablement pas impactée par la qualité d'un prélèvement. Cependant, comme il n'existe pas de gold-standard, il reste difficile de s’en assurer. Une étude comparant le diagnostic par tomodensitométrie (TDM) avec la PCR montre, en prenant la TDM comme référence, que la Sp est de 83 % (10). Ce résultat est vraisemblablement inférieur à la réalité car la TDM n'est pas spécifique (Sp = 25 %) (10), de nombreux diagnostics différentiels présentent la même symptomatologie radiologique.
Sérologie
Il existe plusieurs techniques de réalisation des sérologies qui présenteront des Se et des Sp différentes. Cependant, par souci de simplicité (et de difficulté d'obtention de données exhaustives), nous traiterons ici toutes les techniques comme une seule. Les études citées ci-après utilisent la PCR comme comparateur. Les données fournis ici concernent très majoritairement la Se, qui étudie les patients malades uniquement, la faible Se de la PCR influence peu l’analyse de la Se des sérologies.
La séroconversion augmente dans le temps passant de 13,8 % de positivité à J7 (du début des symptômes) à 82,9 % à J28 (IgM et/ou IgG) (8). A J39, au moins 93,1 % des patients sont séropositifs (11). La positivité semble stable dans le temps (un patient positif ne devient pas négatif après) (11).
Il faut attendre J11 pour que 50 % des patients soient séropositifs (11) et J17-J18 pour obtenir une séroconversion chez 90 % des patients (8,11). La titration des IgM diminue à partir de J32 mais les IgG persistent toujours à J49 (8). Les patients présentant des symptômes "sévères" ont une réponse immunitaire plus importante (8).
La spécificité des anticorps totaux (IgM, IgG et IgA) est de 99,1 %, des IgM de 98,6 % et des IgG de 99,0 % (11).
Il est important de noter qu'il n'y a actuellement pas de preuve que l'apparition des anticorps signe la guérison et/ou la non-contagiosité. Cependant, la diminution de la charge virale à J7 de l'apparition des anticorps est significativement plus importante chez les patients "non-sévères" et chez les patients présentant un titre d'anticorps élevé par rapport aux autres (8).
Perspectives
En se basant sur 2 hypothèses, on peut estimer la valeur diagnostique de ces tests. La première serait que la prévalence dans la population générale est de 3 % (12). Il n'existe, pour l'instant, pas de données de prévalence en France, cette information est hypothétique. Cependant la prévalence en Corée du Sud est estimée à 8,2 pour 100 000 habitants au 2 mars 2020, dans une population que est fortement testée (13). Ce chiffre de 3 % est potentiellement surestimé.
Alors, l'on peut calculer que, pour les prélèvements NP, la Valeur Prédictive Positive (VPP) est de 23,6 %. Et la Valeur Prédictive Négative (VPN) est de 98,4 %. Pour les prélèvements sur crachats, la VPP est de 28,7 %. Et la VPN est de 98,8 %. Cela signifie qu'un résultat négatif signe la non-présence de la maladie mais qu'un résultat positif est faux dans environ 70 à 75 % des cas.
Cependant, en limitant le test à des personnes présentant des symptômes, la prévalence va mécaniquement augmenter. Actuellement, le taux de positivité actuel des tests en France en laboratoire de ville est d’environ 20 % (14). Ainsi, si 20 % des patients présentant des symptômes pouvant faire évoquer un COVID-19 sont malades, lors la VPP et la VPN des prélèvements NP sont respectivement de 71,4 % et 88,4 %. Et celles des crachats de 77,8 % et 92,6 %.
Il est donc nécessaire de restreindre les diagnostics par PCR aux patients suspects de COVID-19 afin de maximiser la pertinence du test.
En utilisant les mêmes hypothèses de prévalence et en considérant une Se à 90 % (si le test est réalisé après J18) et une Sp à 99,1 %, on peut faire les mêmes estimations avec la sérologie. Si la prévalence est de 3 %, alors la VPP est de 75,6 % et la VPN est de 99,7 %. Si la prévalence est de 20 %, alors la VPP est de 96,2 % et la VPN est de 97,5 % (tableau 1).
Ainsi, il semble très peu pertinent de réaliser une PCR en population générale devant le risque très important de faux négatifs (patients positifs mais non malades). Elle semble plus intéressante sur une population ciblée, plus à risque de la maladie. Le prélèvement des crachats est à privilégier car plus sensible et moins variable dans le temps.
S'il reste à prouver que la présence d'anticorps perdure dans le temps et à un dosage suffisant pour garantir une immunité, alors la sérologie sera un outil important pour le dépistage massif afin d'évaluer l'immunité de groupe. L’un des obstacles majeurs actuellement reste la qualité variable des sérologies et l’absence de certification.
Dans l'état actuel, pour confirmer le diagnostic de COVID-19 chez nos patients, il semble utile de réaliser une 1ère PCR. Le meilleur moment pour la réaliser serait entre J5 et J7 du début des symptômes (pour les prélèvements NP) ou entre J7 et J9 (pour les crachats). Cependant, le risque de contamination d'autres personnes est important, il ne faut donc pas trop retarder le prélèvement et inciter fortement à un confinement renforcé. Si le résultat est positif, le patient est vraisemblablement malade. Il pourrait être intéressant, en cas de négativité, qu’une 2nde PCR soit réalisée entre H+24 et H+72 de la 1ère (la variation de positivité étant importante et la sensibilité faible) (15).
Si une sérologie doit être réalisée, il semble préférable d'attendre J18 pour la réaliser afin de garantir des résultats valides.
Références
1. World Health Organization. Coronavirus disease 2019 (COVID-19) Situation report-61 [Internet]. Geneva, Switzerland; 2020 [cité 14 avr 2020]. Disponible sur: www.who.int/
2. LABORATORY CORPORATION OF AMERICA. Accelerated emmergency use authorization (EUA) summary COVID-19 RT-PCR test [Internet]. 2020 [cité 9 avr 2020]. Disponible sur: https://www.fda.gov/
3. Nalla AK, Casto AM, Huang M-LW, Perchetti GA, Sampoleo R, Shrestha L, et al. Comparative Performance of SARS-CoV-2 Detection Assays using Seven Different Primer/Probe Sets and One Assay Kit. J Clin Microbiol. 8 avr 2020;
4. Corman VM, Landt O, Kaiser M, Molenkamp R, Meijer A, Chu DK, et al. Detection of 2019 novel coronavirus (2019-nCoV) by real-time RT-PCR. Eurosurveillance [Internet]. 23 janv 2020 [cité 12 avr 2020];25(3). Disponible sur: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/p...
5. Global initiative on sharing all influenza data. GISAID Initiative [Internet]. [cité 9 avr 2020]. Disponible sur: https://www.gisaid.org/
6. Wang W, Xu Y, Gao R, Lu R, Han K, Wu G, et al. Detection of SARS-CoV-2 in Different Types of Clinical Specimens. JAMA. 11 mars 2020;
7. Liu R, Han H, Liu F, Lv Z, Wu K, Liu Y, et al. Positive rate of RT-PCR detection of SARS-CoV-2 infection in 4880 cases from one hospital in Wuhan, China, from Jan to Feb 2020. Clin Chim Acta. 1 juin 2020;505:172‑5.
8. Tan W, Lu Y, Zhang J, Wang J, Dan Y, Tan Z, et al. Viral Kinetics and Antibody Responses in Patients with COVID-19. medRxiv. 26 mars 2020;2020.03.24.20042382.
9. Vashist SK. In Vitro Diagnostic Assays for COVID-19: Recent Advances and Emerging Trends. Diagn Basel Switz. 5 avr 2020;10(4).
10. Ai T, Yang Z, Hou H, Zhan C, Chen C, Lv W, et al. Correlation of Chest CT and RT-PCR Testing in Coronavirus Disease 2019 (COVID-19) in China: A Report of 1014 Cases. Radiology. 26 févr 2020;200642.
11. Zhao J, Yuan Q, Wang H, Liu W, Liao X, Su Y, et al. Antibody responses to SARS-CoV-2 in patients of novel coronavirus disease 2019. Clin Infect Dis Off Publ Infect Dis Soc Am. 28 mars 2020;
12. Flaxman S, Mishra S, Gandy A, Unwin H, Coupland H, Mellan T, et al. Report 13: Estimating the number of infections and the impact of non-pharmaceutical interventions on COVID-19 in 11 European countries [Internet]. 35. 2020 mars [cité 1 avr 2020]. Disponible sur: http://spiral.imperial.ac.uk/
13. Korean Society of Infectious Diseases, Korean Society of Pediatric Infectious Diseases, Korean Society of Epidemiology, Korean Society for Antimicrobial Therapy, Korean Society for Healthcare-associated Infection Control and Prevention, Korea Centers for Disease Control and Prevention. Report on the Epidemiological Features of Coronavirus Disease 2019 (COVID-19) Outbreak in the Republic of Korea from January 19 to March 2, 2020. J Korean Med Sci. 16 mars 2020;35(10):e112.
14. Santé Publique France. COVID-19 : point épidémiologique du 9 avril 2020 [Internet]. 2020 [cité 15 avr 2020]. Disponible sur: www.santepubliquefrance.fr
15. Kakodkar P, Kaka N, Baig MN. A Comprehensive Literature Review on the Clinical Presentation, and Management of the Pandemic Coronavirus Disease 2019 (COVID-19). Cureus. 6 avr 2020;12(4):e7560.
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